Interview de Jb Hanak pour son expo au Silencio



Silencio, dDash, dDamage, Cobra
JB Hanak au Silencio à Paris devant ses dessins.
Mondialement connu pour ses posts punko-kamoulox sur Facebook, légèrement célèbre aussi pour ses groupes dDamage et Cobra notamment, JB Hanak, a.k.a. dDash, se fraye désormais un chemin dans le paysage de l’art contemporain. Salué par la critique, adulé par le public, au même titre que pour son parcours musical, il semblerait que ce garçon ait un don protéiforme, que ce soit pour manier la guitare, le micro ou le Posca. À ce titre, dans certaines régions du monde, on le surnomme même « mao de Deus »… Psychélédio-illuminati-regressivo-névrotiques, ses dessins bleus ( comme les yeux de quelqu’un ou ceux de l’âme dans ton for intérieur), tous différents mais empreints d’un processus sériel, semblent avoir été réalisés sous LSD. Si vous passez par le Silencio, le club de Lynch, n'hésitez pas à jeter un oeil à ses dernières productions. Ainsi, il m’est apparu tout à fait opportun de lui proposer une interview "allumée"… Que n’avais-je pas allumé la brèche du millième degré avec mes questions justement. 
Bref, voici un dialogue entre fous artistiques.

JE HAIS LES CHIENS

Bleu comme tes yeux ?
Quand j’étais enfant, on avait l’habitude de dire « les yeux marrons c’est les yeux des cochons, les yeux bleus c’est les yeux des amoureux ». 
Alors en premier lieu, il se trouve que j’ai les yeux marron ; par ailleurs, je suis très amoureux. Je n’ai jamais compris cette analogie mais je l’ai toujours aimée car je me sens humainement proche du porc. C’est un animal que j’affectionne particulièrement pour plusieurs raisons : j’habite dans mes déchets, je pratique le sexe de manière répugnante, je mange bruyamment et sans mâcher, je dégage une odeur corporelle souvent suspecte, etc. 
Ensuite, il suffit juste de s’intéresser un minimum à cet animal pour se rendre compte que les cochons ont tous les yeux bleus. Bah oui. C’est un détail que j’ai pour ma part inscrit au fer blanc dans ma mémoire au cours d’une soirée d’Halloween, à Joinville le Pont, en octobre 1996. Le maître de cérémonie avait fait les choses en grand : outre la soirée costumée, il avait décoré toute sa maison avec des parties de corps d’animaux morts préalablement achetés chez son boucher. Je fus pour ma part transpercé par l’inspiration à la vue d’une tête de porc clouée par les oreilles sur une porte. La fin de soirée s’est terminée en bataille de viande et je me suis emparé d’un très gros couteau – sous l’emprise de l’alcool, c’est très intelligent – afin d’arracher les globes oculaires des orbites de l’animal. Cette difficile tâche m’a pris une bonne vingtaine de minutes. Au lendemain – et, ce, durant plusieurs semaines – j’étais absolument incapable de tenir une conversation avec une personne aux yeux bleus sans me souvenir de manière effroyable de mon acte. Voilà un des premiers points d’accroche vraiment fort que j’ai tissé avec la couleur bleue. 
C’est une histoire encore très importante pour moi, vingt années plus tard. Sur ce point, je pense pouvoir bien plus me revendiquer d'Ozzy Osborne que d'Yves Klein (qui m'a toujours fait chier).

Dans quel hôpital psychiatrique as tu appris à dessiner ?
J’ai appris à dessiner à l’école. Non pas en cours de dessin, car on ne m’y a enseigné que des conneries affreusement inutiles. D’une manière générale, j’ai toujours pensé que l’école était une vaste et pénible fumisterie ; et ta question me fait nostalgiquement penser que, durant l’adolescence, j’ai souvent comparé l’école à un hôpital psychiatrique. Un endroit où l’on t’enferme pour te mettre de force des horribles conneries dans la tête. 
Donc, en gros, j’ai passé le plus clair de mon temps au fond de la classe à ne rien foutre d’autre que de remplir inlassablement les pages de mes cahiers avec des dessins interminables, comme je le fais encore aujourd’hui. Sauf qu’aujourd’hui, je suis libre. Enfin, je le crois. Par ailleurs, lorsque j’étais en 4ème, au collège Nicolas de Staël à Maisons-Alfort, un jour, en cours de dessin, ma prof Madame Dreyfuss m’a repéré en fond de classe à dessiner dans mon agenda ; alors que j’étais supposé dessiner sur une feuille Canson les mêmes saloperies totalement minables imposées à mes camarades et moi. Éprise d'un zèle autoritaire et déraisonné, cette femme s’est emparée de mon carnet pour en déchirer toutes les pages avec des dessins. C’était dans ma période « je dessine des monstres avec des pénis énormes se terminant par des visages épris de douleur et dégageant énormément de salive ». 
Au final, j’ai eu quatre heures de colle que j’ai passées en salle de permanence, à dessiner des monstres dans ce qu’il restait des pages de mon carnet.

Que n écoutes tu pas comme musique quand tu dessines ?
Tout. Je dessine en silence. J’ai mes activités de musicien en parallèle au dessin. C’est la raison pour laquelle je préfère ne pas écouter de musique lorsque je dessine. Le dessin de demande énormément de concentration, je préfère ne pas être diverti lorsque je pratique. Et il faut dire aussi que le silence fait partie du Top 3 des choses que je préfère écouter dans la vie : ex-æquo avec les larsens et les hurlements de sirènes des flics.

Ca se mange ?
Je ne suis pas certain de saisir le sens de ta question. Néanmoins, j’aimerais préciser que je suis pro Gluten, pro Viande, pro OGM, pro huile de Palme, pro hormones, pro acides gras saturés, pro junk food, pro alcool et par dessus tout pro Monsanto. Je préfèrerais toujours des Skittles à une aubergine.

Tu remontes quand sur scène ?
Concernant dDash, il est probable que je fasse un concert dans une magnifique salle parisienne d’ici quelques mois, mais je ne peux pour le moment dévoiler le lieu. Par ailleurs, nous avons le projet de tourner ensemble un de ces jours avec Nicolas Ker qui est un garçon que j’affectionne particulièrement – et puis on partage le même bassiste, Jeff « Eat Gas » Dijoud, réputé pour être le musicien le plus relax de toute la scène parisienne. Sinon, quelques dates avec Cobra sont également prévues à partir de la rentrée : et là c’est très différent, il s’agit vraiment de mecs pas relax du tout. Et puis, le truc le plus excitant, c’est que nous préparons actuellement le retour de dDamage avec un concert en octobre à l’occasion de la sortie de notre nouveau disque vinyle. On reprend les armes avec mon frère, et ça va vraiment faire du boucan sur scène.

Est ce l air de la montagne ?
Je ne sais pas, je ne comprends pas cette question non plus, mais, disons que les trucs sains c’est définitivement pas pour moi.

En anglais ça donnerait ?
« Kind of Blue »

On s éloigne un peu du sujet central. Peux tu définir ce que je vois dans tes dessins ?
C’est extrêmement simple : mes dessins et mes peintures sont un amas de choses horriblement compliquées et torturées, réalisées avec une joie de vivre incontestable et un sens de l’humour que j’espère communicatif. Le compliqué y est présenté d’une manière que j’essaie à rendre simple pour le sens visuel. Énormément de détails laissent l’impression d’avoir été réalisées vite et simplement ; et il s’agit là d’un travail long et fastidieux. Je rends très souvent hommage à mes diverses sources d’inspiration tout en étouffant ces références, en les noyant sous énormément de couches successives de dessins qui finissent par prendre le dessus de manière écrasante. C’est une petite vengeance mesquine et jouissive à la fois, j’adore tuer mes références. Freud a tenté d'expliquer que c’était vraiment le truc ultime ; donc, je m’y amuse. Et sinon, il y a des leitmotivs que je répète de manière inlassable. La tête de porc dont je te parlais plus haut en fait partie. Je ne l’oublierais jamais et j’aimerais me ramener à son souvenir de manière éternelle.

Sont ils Vegan ? Ou Alan Vega, à la rigueur ?
Vu ce que je t’ai expliqué plus haut, tu dois commencer à te faire une idée de ce que je pense des vegan. Ensuite, pour Alan Vega, j’ai appris sa mort la semaine dernière et je dois t’avouer que j’étais extrêmement déçu qu’il ne se soit pas suicidé. Sérieux, la honte… Il a pas fait le boulot jusqu’au bout, quelle arnaque… Sinon, j’ai beau ne pas être vegan, je me dois d’insister sur un point extrêmement important : j’adore les animaux. Top 5 : Serpent, cochon, singe, cafard et éléphant. Tu retrouveras le singe dans dDamage et le serpent dans Cobra (mon signe astrologique chinois). Le cafard est un animal avec lequel nous avons été élevés mes frères, ma sœur et moi. Les aimer fut la solution de compromis afin de pouvoir vivre en paix, car ils ne voulaient pas partir. Et puis, j’adore les éléphants. Il y en a vraiment pas mal de camouflés dans mes dessins. J’entretiens une relation particulière avec cet animal depuis très longtemps. 
Quand j’étais ado j’ai eu un job au Salon du Livre, j’étais dans un costume d’éléphant. Un personnage tiré d’un livre de soutient scolaire pour aider les enfants qui galèrent à lire et à compter. C’était un costume énorme, pour une seule personne. En 5 jours j’ai perdu 5kg. A l’intérieur, je devais faire jouer un bras entre la trompe et une main du costume. J’avais des pattes en moonboots gigantesques qui limitaient à mort ma mobilité. Et puis aussi, il y a une fille de quatre ou cinq ans qui est tombée amoureuse de moi. A un tel point qu’elle ne voulait plus voir sa mère, elle voulait juste rester avec l’éléphant. Elle disait juste « L’éléphant, l’éléphant, l’éléphant ! », tout le temps. Elle me l’a dit des dizaines et des dizaines de fois, elle m’a jamais rien dit d’autre. Elle me faisait des câlins, mais moi je sentais rien à cause de ce foutu costume trop gros. On a fait le tour du salon du livre deux fois de suite en se tenant la main et sa maman devait nous suivre de loin sans se faire voir. Ma chérie, elle disait toujours « L’éléphant, l’éléphant ! », ou même parfois elle ne disait rien mais en serrant fort ma main ; elle avait un grand sourire et elle regardait les gens fièrement. Ça a duré pas mal de temps. 
A la fin, elle a pleuré parce qu'il fallait rentrer à la maison. 
Moi j’ai pas pleuré mais j’étais triste – j’aurais pu pleurer, dans le costume personne n’aurait vu. Et puis mon manager est venu me voir pour m’engueuler parce que j’étais parti 35 minutes de mon poste. J’étais sensé faire des photos avec des enfants insupportables, alors que j’avais le cœur déchiré d’avoir laissé partir mon amoureuse. Une heure plus tard j’ai pris ma pause pour aller fumer une cigarette dehors. J’avais enlevé mon costume mais, comme un pauvre abruti que je suis, j’avais gardé les moonboots aux pieds : mes pieds d’éléphant. Sur le parking j’ai recroisé la petite fille avec sa maman. Je croyais qu’elle était rentrée à la maison, alors j’étais heureux de la revoir. Aussi, elle avait arrêté de pleurer, donc je lui ai fait un sourire. Mais j’avais pas mon costume, alors elle savait pas qui j’étais. Elle faisait un regard bizarre. J’avais une cigarette allumée. C’est quand elle a vu mes moonboots qu’elle a compris et elle s’est mise à pleurer de nouveau. C’était pas le son de pleurs du caprice pour rester avec l’éléphant. Là, j’ai entendu qu’elle pleurait du vrai douloureux ; je lui ai brisé le cœur en la faisant grandir beaucoup trop vite. 
Elle disait encore les mêmes mots « L’éléphant, l’éléphant… » dans des sanglots insupportables, sa mère m’a porté un regard haineux, long, infect. Du coup j’étais effondré et je ne me le suis jamais pardonné. C’est triste. Je suis pas un éléphant. J’ai jamais été un éléphant. Par contre, les pieds lourdingues de l’éléphant, depuis cette histoire, je suis condamné à me les trainer jusqu’à la fin de ma vie.
jb hanak, dDash, Cobra, dDamage,Silencio
Mur du collège Nicolas de Staël à Maisons-Alfort

Y en a combien et surtout se reproduisent ils comme des gremlins ?
Ma première série « Hyperactive Jerk » comportait 25 pièces. La nouvelle se nomme « NEGATIVE » et comporte une dizaine de pièces (actuellement exposées au Silencio) mais elle n’est pas terminée. Elle sera prochainement exposée à l’Institut Français de Tokyo en novembre et – aussi – il y a un projet d’exposition à New-York pour le printemps 2017. Les pièces ne se reproduisent pas comme des gremlins, malheureusement, elles demandent énormément de travail et de temps… 
Mais j’aime bien l’idée qu’on peut s’en faire, comme avec ta question : l’idée que je fais mes tableaux super vite de manière quasi industrielle me plait. Et j’aime entretenir le mensonge pour créer du scénario amplement plus cool que la réalité. Sinon, la comparaison avec les gremlins est rigolote, mais pour ma part, je me sens dans la création beaucoup plus inspiré du mythe du Golem ; que je trouve incroyablement beau dans la tradition tout en étant foutrement actuel. C’est quelque chose qui se trouve en parfaite adéquation avec mon rapport torturé à l’enseignement. Je ne le répèterais jamais assez : les enfants, n’allez pas à l’école, c’est de la merde, tout ça c’est des conneries qui sont là pour vous pourrir la vie et faire de vous des personnes mauvaises et inutiles. Bon, tout n'est pas perdu, hein... On peut toujours trouver par chance un diamant caché dans une montagne de merde. J'ai vécu une expérience très intense à l'école, lorsque j'étais en 3ème. Toujours au collège Nicolas de Staël à Maisons-Alfort. C'était donc un an après l'histoire du cours de dessin que je t'ai précédemment racontée. Un an plus tard, donc, j'ai affiné mes dessins pour aller à l'essentiel. Je ne dessinais plus de monstres à grosses bites, mais tout simplement des grosses bites. Aller droit à l'essentiel, c'est extrêmement important. Il se trouve qu'à l'époque, c'était l’émergence de la mode du tag et du graff. Personnellement, je ne m'en suis jamais senti proche : c'était plus l'affaire de mon grand frère Fred (avec qui je fais dDamage aujourd'hui, et qui était membre des VEP aux côtés de Oeno, Colorz, Jare, Pozer, Arnak...). La seule chose qui m'intéressait dans ce mouvement, c'était le vandalisme. Je me reconnaissais énormément au travers de l'acte de vandalisme, que je chérissais par dessus tout. J'avais un camarade de classe qui, lui, était profondément fasciné par le nazisme. 
Du coup, il ne taguait pas non plus, il graffitait des croix gammées un peu partout dans le collège. Pour ma part, je graffitais des bites de toutes tailles. Ça allait bien ensemble, on s'amusait, on a même fait des oeuvres croisées : des crois gammées faites de bites (mais je me suis rendu compte bien plus tard que nous n'avions rien inventé). Et puis, un beau jour, nous nous sommes fait pincer par un surveillant qui nous a emmené directement chez la directrice : Madame Muffragi. J’avais dessiné une bite vraiment énorme sur un mur et écrit comme légende « VIVE LA BITE ! » en lettres majuscules sur lesquelles venaient se poser des gouttes de sperme. La punition fut la même pour mon pote nazi comme pour moi : un samedi après midi d'heures de colle. Le jour de la sanction étant venu, la directrice du collège a réuni tous les élèves de l'école sous le pré-haut juste avant la libération de 12h30. L'idée était de nous humilier mon pote nazi et moi même face à tous les élèves de l'école. C'est alors que Madame Muffragi a porté ce discours qui résonne encore aujourd'hui au fond de ma mémoire comme l’unique véritable acte pédagogue de toute ma scolarité : "Vos deux camarades sont punis car ils ont commis la même connerie : ils ont salopé les murs du collège avec leurs graffitis. Je leur ai donné la même sanction, cependant j'aimerais vous expliquer qu'il réside une énorme différence dans le caractère des graffitis qu'ils ont fait tous les deux. Le premier a dessiné des croix gammées, et je pense qu'il est encore un peu trop jeune pour estimer le poids de sa connerie. Le second a dessiné des pénis. Et j'aimerais dire une chose essentielle à tous les petits cons et toutes les petites connes que ça amuse : à votre âge, il est beaucoup plus naturel de dessiner partout des gros sexes turgescents que de dessiner des croix gammées. S'il y a un chemin à suivre dans la connerie, je vous conseille de suivre celui de Hanak". Ça a flatté mon égo. Raison pour laquelle tu peux passer des heures à analyser mes dessins et mes peintures : tu y trouveras plein de bites camouflées un peu partout, mais jamais une seule croix gammée. C'est peut être le seul truc appris à l'école que je continue aujourd'hui à mettre en application. 
C’est ma manière de rendre hommage à Madame Muffragi qui fut, à mon sens, la seule personne du corps enseignant m’ayant transmis quelque chose d’utile durant toute ma scolarité ; je te laisse juge pour déterminer si c'est une bonne chose ou encore une énorme connerie. Mon pote nazi s’est vengé quelques jours plus tard, en allant graffiter « A MORT MUFFRAGI LA GROSSE PUTE » sur le muret blanc de l’entrée du collège. Il a effectué ce graffiti à l’aide d’un baranne rempli d’un mélange d’encres et de peintures dont lui seul avait le secret. Cette histoire date de 1991. Et bien, tu peux te rendre aujourd’hui au devant du collège Nicolas de Staël, 81 rue Victor Hugo à Maisons-Alfort : 25 ans plus tard, le mur a été repeint une bonne cinquantaine de fois. 
Après chaque averse, le graffiti réapparait en transparence derrière la peinture blanche. C’est magique, nous sommes en 2016 et le graffiti est toujours là. Encore aujourd’hui je n’ai de cesse d’être bouleversé d’émotion chaque fois que je passe devant : c’est le graffiti le plus puissant que je n’ai jamais vu de toute ma vie. Et j’ai beau encore admirer le discours de Madame Muffragi, il n’empêche que le vandalisme lui a été plus fort. Le temps nous l’a prouvé.

Avant qu’on se quitte, quelle question te poserais tu ?
Après t’avoir parlé des animaux que j’aime, j’aimerais terminer sur « Quel animal détestes tu ? ». Il y en a un et un seul : le chien. Merde, les chiens... Oh non, pas les chiens… Putain de chiens. Je vous hais. Socialement je fais croire que je hais les chiens. Je le dis souvent, vraiment, à tout le monde. Je déteste les chiens, reste tranquille clébard de merde. T’approche pas, sale clébard pourri, tu pues de la gueule. En fait je dis comme ça, c’est juste parce que je veux pas montrer que j’ai peur d’eux. De toute manière, j’aime pas montrer quand j’ai peur, donc c’est plus simple comme ça. Ça a commencé quand j’avais sept ans ; j’étais au bord du Lac de Créteil avec mon père et j’ai vu quatre petits chiots tout mignons. Des bergers allemands qui avaient à peine deux semaines, vision de beauté pure. J’ai été les voir d’un pas pressé tellement j’avais envie de les caresser, puis j’ai à peine eu le temps d’en toucher un que leur maman m’a sauté dessus pour me déchiqueter un bras. Et puis une fesse. Ensuite, elle a voulu me mordre au cou pour me tuer, mon père et le propriétaire du chien sont arrivés à temps pour la bloquer à coups de savates dans sa gueule. Moi j’étais par terre à pisser le sang de partout et aussi, je pleurais comme un bébé alors que mon père continuait à défoncer ce clébard de merde à coups de lattes très insistants. 
Ensuite on a pris la voiture avec mon père, j’étais sur la banquette arrière ; c’était le premier voyage à 190km/H de toute ma vie. Je me vidais de mon sang, le sang coulait vite, mais je me souviens précisément avoir aimé la vitesse tout en chialant. On grillait tous les feux. Je connaissais pas la vitesse, ce truc qui fait peur aux gens. Moi j’étais sur le point de mourir, mais la sensation du 190 et des hurlements des klaxons me plaisaient. Avec mon père, on était plus forts que la probabilité d’un accident de voiture mortel parce qu’il voulait me sauver la vie. Et puis, on a été arrêtés par des policiers. Des motards. Contraint de stopper la voiture, mon père a hurlé par la fenêtre dès que les policiers sont arrivés à notre niveau : « Barrez vous bande de fils de putes, je vais à l’hôpital mon gosse est en train de crever ! » Les policiers m’ont regardé et ont répondu à mon père « Excusez-nous monsieur, on va vous ouvrir la voie. » Ils nous ont escorté jusqu’à l’hosto, en roulant encore super vite. Mon corps d'enfant qui refroidit, les torrents de larmes, la vitesse, les bouts de chair qui pendent, le sang partout et les hurlements des sirènes de flics dans ma tête qui vacille. C’était la première sensation extrême de ma vie ; et elle cohabitait de manière exponentielle avec un infini sentiment de fierté à l’égard de mon Papa. Je suis fier de mon Papa. Il est vraiment con, mais je suis fier de lui parce que moi aussi je suis très con. Et aujourd’hui, j’aime pas les flics. 
Mais j’ai toujours ce truc qui fait que je préfère tout de même ceux en moto. Voilà, et la fin de l’histoire tu la connais parce que je suis pas mort.

Tu nous chantes un petit quelque chose avant de partir ?
Je te laisse avec « Pédés et Drogués » de Cobra. Bisous, et puis merci pour l’interview.
https://cobra06130.bandcamp.com/track/p-d-s-et-drogu-s

 Exposition de Jb Hanak au Silencio :
dessin jusqu'au 4 septembre et gravure jusqu'en octobre 2016.

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