J’ai connu Lola Dewaere
il y a plus de dix ans. Elle nourrissait déjà le désir de devenir comédienne, à
l’instar son père Patrick Dewaere mais absolument pas dans une démarche répétitive
assure-t-elle, et prenait des cours de théâtre.
Il lui aura fallu plus d’une décennie pour faire ses débuts au cinéma.
Vous la verrez dès le 28 mars dans Mince Alors !
Un film choral signé Charlotte de Turckheim où la réalisatrice met en
scène Lola aux côtés de Victoria Abril et Catherine Hosmalin. C’est avec
beaucoup de plaisir que j’ai rencontré Lola pour
évoquer le film, ses failles, ses forces et tout simplement pour vous la
présenter. La trentaine radieuse, elle se livre sans détour, avec
beaucoup de
spontanéité. Découvrez-la, elle est irrésistible, touchante et belle à
l’extérieur comme à l’intérieur. Une comédienne douée et une fille
exquise !
Le film campe trois femmes plus ou moins rondes en
pleine cure d’amincissement à Brides-les-Bains. Et vous, comment assumez-vous
vos rondeurs ?
Dans la vie, tout va
bien. Je n’ai aucun problème à me mettre en bikini à la plage, même à
paillettes ! En revanche, c’est le monde du cinéma qui m’a donné des
complexes. Dans les castings, on me disait souvent « si tu perdais dix
kilos, tu pourrais décrocher le rôle ». On m’a fait comprendre qu’avec mon
corps, je ne fais pas rêver.
Quel serait le message du film ?
Le message du film de Charlotte n’est pas de
s’assumer en tant que grosse. D’ailleurs, ce n’est pas un film à message, il
dénonce simplement des faits. Il ne s’agit pas de faire l’apologie de l’obésité
comme c’est parfois le cas dans les médias en ce moment. Quand on touche à la
santé, on ne peut pas donner dans ce type d’’encouragement. Ces femmes ont des
soucis d’articulation, de cœur... Et quand une personne est en surpoids, elle
vit vingt à trente ans de moins qu’une autre.
Avec Mince Alors ! êtes-vous devenue calée dans ce domaine ?
Non, j’ai des problèmes de poids depuis très jeune.
Je connais tous les régimes. Ma force dans le film, c’était justement de bien
connaître le sujet. Je pourrais même ouvrir un cabinet de diététique !
C’est prévu pour quand ?
Ah, si ça ne marche pas pour moi en tant que
comédienne, je me reconvertis en diététicienne (rires).
Pourquoi avoir choisi ce film pour vos débuts au
cinéma ?
Ce n’est pas moi qui ai
choisi le film, mais l’inverse ! Je n’ai pas encore le luxe de pouvoir
choisir mes films. J’ai été repérée au Théâtre du Temple. Depuis plus de deux
ans, Charlotte de Turckheim ne trouvait pas de comédienne pour interpréter le
personnage de Nina parce que les actrices rondes et jolies, ça n’existe pas. Et
celles qui le sont ne le demeurent pas longtemps, car happée par le système, elles
sont immédiatement formatées.
Qu’est-ce qui vous a touché dans ce
scénario ?
J’ai eu une petite
hésitation quand Charlotte m’a expliqué qu’il s’agissait d’une comédie sur le
corps. Je me suis dit « on va me mettre dans une case je ne vais jamais
m’en sortir ». Je pensais qu’une comédie sur les gros dans une cure
thermale, ça allait être « camping chez les gros à la Franck Dubosc ».
J’ai lu le scénario et j’ai découvert les personnages de Catherine Hosmalin qui
campe une femme obèse et Victoria Abril devait incarner une femme mince et névrosée.
Et j’ai réalisé que le problème de mon personnage était bien plus global. Ces
femmes ont surtout besoin de se débarrasser d’un poids psychologique. Le film
est une comédie sentimentale. Victoria Abril appelle ça « un drame
marrant ». La subtilité du film et l’écriture m’ont touchées. J’ai
immédiatement ressenti une empathie pour chacun des personnages, même pour
celui de Victoria Abril alors qu’on la voit se tirer la peau du ventre pour
dire « si, si je suis grosse regardez, j’ai un bourrelet » et tu as
juste envie de la baffer. Mais au fil du récit, tu te rends compte qu’elle a
une histoire à régler avec son enfance et son image. J’étais agréablement
surprise par les personnages et très touchée par leur passé psychologique.
Qu’avez-vous mis de vous dans ce rôle ?
Mon cul, mes cuisses, mon
ventre ! (rires) Nina me ressemble dans sa relation avec elle-même et son
problème de confiance en soi. Ce que je n’ai pas eu trop de mal à
traduire… Il y a une scène où Victoria Abril pointe cette fragilité. Elle me
dit que mon mari ne croit pas en moi, que personne ne croit en moi, même pas
moi-même. Et là, je me suis sentie touchée personnellement. J’avais
l’impression que Victoria Abril ne parlait plus à Nina, mais à Lola Dewaere. Pour
le reste de son caractère, on ne se ressemble pas du tout. Contrairement à
elle, je ne suis pas du tout du genre à me laisser marcher sur les pieds. Un
homme ne me mènera jamais par le bout du nez. Les fragilités psychologiques du
personnage n’ont rien à voir avec les miennes et c’est donc là-dessus que j’ai
travaillé.
Sur la confiance en soi, qu’avez-vous appris de ce
film ?
Rien. C’est tellement
plus fort que tout. Quand tu n’as pas confiance en toi, ce n’est ni un film, ni
un rôle qui va éradiquer ce sentiment. Je ne me sers pas du tout de ce métier
comme thérapie. En revanche, le manque de confiance me ferme des portes. Je
suis arrivée sur plateau du film de Charlotte en ne connaissant rien au cinéma.
Quand on parlait de « combo », j’imaginais un légume. Je me suis
beaucoup renfermée sur le tournage. Parce que je me concentrais beaucoup sur le
personnage et comme je jouais vraiment sur ses failles, ça rejaillissait même
hors tournage. Mais aussi du fait de ma timidité. Je suis très timide avec les
inconnus. Et lorsqu’il y avait des petites fêtes, je n’y allais pas parce que
je ne connaissais personne. Les gens ont parfois pensé que j’étais très
hautaine et que je les snobais, signe que le manque de confiance peut générer
des choses très négatives.
Pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour vous assumer comme comédienne ?
Pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour vous assumer comme comédienne ?
Je suis allée au cours
Florent en 97-98, poussée par ma mère qui voyait bien que je mourrais d’envie
de faire ce métier depuis toute petite. J’ai vite arrêté parce que je ne
voulais jamais passer sur la scène, je restais toujours au fond de la classe
tellement j’étais timide. Autant dire que ça a été un vrai cauchemar ! A
la fin de cette année-là, en plein mois d’août, j’ai eu un très grave accident
de voiture qui m’a abîmée physiquement, on ne savait d’ailleurs pas si j’allais
remarcher, et notamment au niveau du visage. J’ai dû porter un appareil
amovible avec des fausses dents… Ce fut très long pour redevenir moi-même. Un
épisode qui en a remis une couche sur le manque de confiance en moi ! En
plus, j’avais des problèmes de poids et je pensais sincèrement que je n’étais
pas assez jolie pour être comédienne. Elles étaient toutes filiformes et en
majorité blondes. Pour couronner le tout, j’étais persuadée que je n’avais pas
de talent et que rien n’y changerait même si je prenais tous les cours de la
Terre.
Vous avez dit de votre père que vous êtiez son
portrait, comment vivez-vous cette filiation ?
J’évoquais surtout le
physique. Je vis très bien cette filiation. Pendant longtemps ça n’a pas été le
cas. Depuis une dizaine d’années, je l’assume totalement. Parfois on me demande
pourquoi j’ai choisi de garder le nom de mon père pour entrer dans le cinéma.
Mais moi je suis très fière d’être la fille de Patrick Dewaere et puis je ne
vais pas cacher que mon nom m’ouvre des portes plus facilement, d’autant que
j’arrive tard dans le métier. Si j’ai pu avoir des rendez-vous plus vite que
d’autres, j’en remercie mon père. En revanche, une fois sur les castings, je
suis à la même enseigne que tout le monde. Ca fait cinq ans que je suis dans la
même agence et les directeurs de castings ne m’ont jamais embauchée parce que
je m’appelle Lola Dewaere.
Votre envie de cinéma vient de ses films ?
Pas du tout. J’ai eu
envie de cinéma dès l’enfance et cette envie est profondément ancrée dans mon
caractère. Plus globalement, j’ai toujours développé tout ce qui était
artistique. A l’école j’étais nulle en tout sauf en dessin, français et
histoire. Je voulais faire l’école de la bédé à Angoulême. Je passais mon temps
à dessiner des cases en cours. Donc ça ne vient pas de mon père. En outre, j’ai
découvert ses films tard car ce n’est pas un cinéma pour les enfants. Et
honnêtement, je ne suis pas une grande fan des films de mon père. D’autres comédiens/comédiennes
m’ont davantage donné envie de faire du cinéma. Il n’y a pas eu de transmission
au niveau cinématographique.
Ah bon ?!
Et oui, je déçois les
gens (rires). Mais bien sûr quand je vois ses films je me dis « ce mec a
quelque chose », il est vraiment fort. Il me perturbe. Au-delà du fait que
ce soit mon père. De toute façon, je ne le connais pas comme étant mon père mais
comme vous, c’est d’ailleurs très étrange (Lola n'a pas connu son père, ndr).
Le film évoque les rondeurs des femmes et la façon
dont elles s’assument avec. Vous avez travaillé dans la mode, quel regard
portez-vous sur les dikats de la mode ?
J’ai eu l’occasion
d’assister à des défilés. Je trouve ça étrange de voir des fills défiler comme
des échassiers. Cela me paraît artificiel. Ces filles toute maigres avec leurs
mollets épais comme mes avant-bras… J’ai l’impression que nous ne supportons
plus le milieu, mais que l’on met en exergue des gens presque anorexiques ou
alors obèses. Dans les médias, tout est retouché. Même si la fille est fine est
jolie, on va quand même lui affiner sa taille pour qu’elle fasse un 36 plutôt
qu’un 38. Bref, je ne comprends pas pourquoi on travestit à ce point le corps
de la femme.
Comment avez-vous supporté ce job alimentaire dans
la mode ?
Je me sentais comme une
grosse derrière un comptoir.
Je me souviens qu’une
personne m’a d’ailleurs dit un jour que j’étais jolie mais trop grosse et que
je devais maigrir. Mais comme j’avais l’habitude de voir des filles hyper
maigres arriver en casting, mon regard s’est habitué à ce type de silhouettes.
Et j’arrivais à trouver ces filles belles. Je pense que les gens de ce milieu
sont lobotomisés par les images qu’ils voient à longueur de journées. Même moi
je me suis faite avoir et je trouvais une fille qui entrait dans un 34, gracieuse.
Oui et surtout ce que l’on ne dit pas, c’est que
ces filles ont 16 ans et l’image produite est vendue pour un public féminin
d’une trentaine d’années.
Récemment, il y a
d’ailleurs eu une polémique avec une marque qui faisait campagne avec des
gamines très maigres.
D’où vient votre manque de confiance en vous et
comment le gérez-vous ?
Ca remonte à loin. Je
suis issue d’une famille où la réussite scolaire était très importante or moi
j’ai toujours eu des difficultés à l’école. J’ai été élevée par des grands
parents brillants. Mon grand-père sortait de Centrale et ma grand-mère était
directrice d’école. A leur grand désespoir, eux qui m’imaginaient déjà
normalienne ou grande actrice sortant du Conservatoire ou de la Comédie
Française, je n’ai pas pris ce chemin-là. Du coup, je me suis sentie très peu
performante et, sans les en blâmer, ça a contribué à ce manque de
confiance. Un sentiment renforcé par ce corps différent que je trimballe depuis
l’âge de 10 ans. J’ai eu le droit aux railleries de mes camarades de classe. En
plus, j’étais plus grande que les autres alors fatalement je sortais du lot, à
une période où tu as surtout envie de te fondre dans la masse. Ce que je n’ai
jamais réussi à faire. Sans compter que j’étais la fille de… Donc ça chuchotait
en permanence autour de moi.
Un jour, je rentrais à
vélo et j’ai vu des têtes sortir d’une porte en chuchotant « regardez,
c’est la fille de Patrick Dewaere ». Moi j’ai pensé « mais mon Dieu
qui est mon père pour qu’on ouvre une porte et que l’on montre du doigt depuis
le pallier ». Je suis rentrée à la maison et j’ai fondu en larmes. Mon
grand-père m’a rassurée en me disant que je n’avais pas à avoir honte de mon
père, qui n’est ni Hitler, ni Papon, mais en être fière au contraire, et que
les gens se comportaient ainsi par curiosité.
Comment surmontez-vous cela ?
Je suis quelqu’un de bout
en train donc je passe beaucoup par le rire.
C’est une thérapie.
Exactement. Je me cache
aussi. J’ai tendance à beaucoup me maquiller, à changer fréquemment de couleur
de cheveux. La transformation physique me sert de carapace. Durant le tournage,
j’étais très angoissée parce que je n’étais presque pas maquillée, juste à
peine pour éviter les brillances sur les ailes du nez. Côté chevelure, idem.
C’était ma couleur naturelle alors que moi je me prends quand même pour une
latino. J’aurais rêvé avoir les cheveux noirs et la peau bronzée. Je me
trouvais tellement moche sur le plateau. Je me disais « on va me voir
comme ça, je ne vais jamais rebosser ». Dans la loge, avant d’aller
tourner une scène, je me trouvais si moche que j’allais me mettre du blush en
douce dans les WC, mais bien sûr, les maquilleuses me grillaient. Je sortais à
peine des toilettes qu’elles me disaient « qu’est-ce que tu as fait à
ton visage ? ». Moi je répondais « rien ». Impossible de la leur
faire ! Elles me démaquillaient illico ! Quand je me suis vue à la
projection comédien, j’ai trouvé que sans UV, sans maquillage et avec ma vraie
teinte de cheveux, j’étais finalement pas mal. Donc, la perception que j’ai de
moi est en train d’évoluer.
Que retenez-vous de cette première aventure
cinématographique ?
C’est une confirmation
dans la foi en ce métier. Je sais que je veux vraiment faire ça. L’année
dernière j’ai joué dans une pièce La biscotte, au Théâtre Le Temple, à Paris. C’était davantage un challenge. Je voulais voir
si j’étais capable de tenir le coup sur scène.
Comment le public accueille-t-il le films durant
la tournée des avant-premières en France ?
Les gens adorent. Les
gens nous adorent. Et moi, ils ne me connaissent pas et m’aiment déjà. Il y a
une telle charge émotionnelle ! J’ai l’impression de recevoir une balle
d’une tonne d’amour et de la renvoyer au public. Parce qu’évidemment, c’est
quelque chose qui se partage. Ca c’est pour les sentiments personnels. Quant au
film, il plaît beaucoup. J’avais peur que le film ne cible qu’un public
niche : les gros. Et en fait, j’ai vu toute sorte de public. Les gens en
sortent contents. Je me dis aussi qu’ils ne vont pas manifester leur éventuel
mécontentement après une avant-première. Mais ils ne s’en vont pas. Ils
restent pour discuter du film, c’est plutôt bon signe. Ca peut être aussi pour
voir les comédiens en vrai. Donc on ne saura vraiment que le 28 mars. Pour
l’instant ça se passe très bien.
Le rôle que vous rêvez d’incarner ?
Question difficile. J’ai
des envies multiples. Je rêve d’un rôle de scientifique à la Gorilles dans la
brume, le récit de Diane Fossey (interprétée
par Sigourney Weaver dans le film éponyme, ndr) qui a vécu presque quinze
ans avec les gorilles. J’aimerais incarner ce type de rôle dans un biopic.
Avez-vous des projets à venir ?
J’attends des réponses
pour d’éventuels films dont j’ai passés les castings. Et avec des amis, on
monte une pièce de théâtre. C’est une création. Nous sommes d’ailleurs à la
recherche d’un producteur pour ce projet.
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