De l'exposition ARTISTES ET ROBOTS au Grand Palais à Paris

grand palais
Exposition Artistes et Robots au Grand Palais à Paris, du 5 avril au 9 juillet 2018.

à gauche, une oeuvre de Leonel Moura, robot Art, 2017. à droite, une oeuvre de  So Kanno & Takahiro Yamaguchi, Senseless Drawing Bot.
à gauche, une oeuvre de Leonel Moura, robot Art, 2017 et à droite, une oeuvre de  So Kanno & Takahiro Yamaguchi, Senseless Drawing Bot.

ALLE ROBOTER ?

Est-ce que ce sont les artistes qui murmurent à l'oreille des machines ou les machines, qui, désormais dotées d'intelligence artificielle, de deep learning (cet apprentissage profond qui leur fait gagner en autonomie de "réflexion"), susurrent à l'oreille du public ? Comment l'artiste cohabite-t-il avec la robotique et les technologies contemporaines ? Me voici au coeur de mes préoccupations de chercheuse... A travers quelques dizaines d'oeuvres et une scénographie appétissante, l'exposition Artistes et Robots au Grand Palais à Paris invite à la réflexion et la rêverie, du 5 avril au 9 juillet. Une exposition que j'ai eu le plaisir de visiter en écoutant Die Roboter, de Kraftwerk, et en discutant avec les artistes présents lors de la présentation presse.

Les commissaires de l''exposition proposent une visite guidée par vidéo. Ici, Laurence Bertrand Dorléac explique que "le robot s'est dématérialisé. Les artistes utilisent et parfois conçoivent des logiciels informatiques de plus en plus puissants. L'oeuvre d'art est désormais animée par des algorithmes."

L'humain rêve de robot, d'hybridation et de machine depuis si longtemps... Un rêve infusé dans le cinéma à travers tant de films, de Métropolis jusqu'à iRobot en passant par Her, autant de versions possibles du monde robotisé. Une diversité que l'on retrouve dans la création littéraire, du Frankenstein de Mary Shelley, aux mondes imaginés par Philip K. Dick, pour ne citer qu'eux. Les artistes, quant à eux, pensent leur contemporanéité avec les moyens techniques mis à leur disposition. D'aucuns mettent en scène le robot, que j'ai plutôt tendance à nommer "machine" dans la mesure où ce terme englobe à la fois le robot  et l'informatique, à travers notamment des dispositifs génératifs et/ou interactifs troublants de "potentiel vital", comme les oeuvres de Leonel Moura, (robot Art) ou  de  So Kanno & Takahiro Yamaguchi ( Senseless Drawing Bot), où l'on voit des robots en pleine création artistique (voir visuels ci-dessus).

Nous entrons dans une ère disruptive, où les promesses de vie éternelle, d’auto-réparation et même d'augmentation de l'humain peuplent les thématiques scientifiques et médiatiques. Un corpus de questionnement sur notre rapport au monde et au futur prend donc forme. Au-delà même, les oeuvres d'art de l'exposition, empreintes de poésie, amènent à la rêverie. Ici, loin de l'agitation urbaine, on se promène dans un jardin virtuel monumental imaginé par Miguel Chevalier, peuplé de plantes génératives et interactives, aptes à suivre notre évolution dans l'espace avant de faner et de laisser place à une nouvelle naissance.

miguel chevalier stelarc peter kogler jacopo baboni schilingi
De haut en bas et de gauche à droite : Extra-Natural de Miguel Chevalier, 2018; Re-Wired/ Re-Mixed : event for Dismembered Body, Stelarc, 2018; Argo de Jacopo Baboni Schilingi, 2018; et moi nichée au coeur de l'installation Untitled de Peter Kogler, 2018.

Jacopo Baboni Schilingi, outillé d'un système captant sa respiration jour et nuit (sauf dans les moments très intimes), a collaboré avec un ingénieur ayant conçu une machine servant à l'imagerie médicale. Comme beaucoup, l'artiste détourne le logiciel de sa fonction. Il crée un univers musical où la mélodie évolue sans cesse en fonction du souffle et se répercute visuellement sur un écran par des volutes numériques. 
 Le bioartiste Stelarc, célèbre pour ses expériences extrêmes et ses performances futuristes, du green rabbit à l'extra-ear, nous entraîne au coeur d'un dispositif qui questionne la cyborgisation de l'humain à travers le mouvement articulaire, thème si cher à ma propre recherche en art & science. 

artistes et robots
ORLAN & ORLANOÏDE, Strip-tease artistique électronique et verbal (2018).

Tout en questionnant sans cesse notre rapport au corps, à l'humain et au vivant, l'artiste s'engage totalement, à l'instar d'ORLAN qui, à travers un dispositif mêlant robotique, IA et vidéo, sème un curieux sentiment entre trouble et fascination. Ses avatars, robot intelligent et représentation vidéo, dialoguent en connexion avec le public. Sans prendre parti, l'oeuvre ORLAN & ORLANOÏDE, Strip-tease artistique électronique et verbal (2018), interpelle notamment sur les questions liées au deep learning, l'apprentissage profond de la machine via un réseau neuronal imitant le nôtre.


On sort de cette exposition riche d'une nouvelle iconographie artistique, heureux comme un enfant amoureux des robots, animé de réflexions. C'est à se demander ce qu'il restera d'humain de nous demains, et si nous ne finirons pas tous complétement robotisés.



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