Déjà 20 ans qu’ Etienne de Crécy nous fait vibrer, jumper et divaguer aux rythmes de ses productions… La
preuve ? My Contribution To The Global Warming, une anthologie dantesque
et gargantuesque à base de 5 cds, 6 vinyles ( au choix), à sortir ce mois-ci.
Au menu, les hits du Dj, de Super Discount 1 et 2, à All Right Now en passant
par Tempovision… ses remixes (Air, Alex Gopher, Kraftwerk, Dj Mehdi, Moby,
Zombie Nation) et des inédits en quantité et qualité non négligeables. Parce
qu’il n’y a aucune raison de ne pas (s’)offrir et aimer la très belle anthologie
d’Etienne de Crécy, qui plus est superbement designée -dans un coffret surprise-,
j’ai rencontré avec un certain plaisir l’un des piliers de la French Touch,
histoire de dresser son bilan de 20 ans de techno et d’imaginer avec lui le
futur de celle-ci. Madeleine de Proust pour les uns, découverte pour la
nouvelle génération… en attendant la tournée de lives, voici « my
contribution to the global listening of » Etienne de Crécy!
PARTIE II de l'interview (partie I ici)
PARTIE II de l'interview (partie I ici)
« Pendant
mes voyages, je conçois mes pochettes de disque. »
Pourquoi avez-vous choisi une infrastructure plus
lourde qu’un laptop avec des synthés et des boîtes à rythme alors que vous
dîtes vous-même que vous pouvez obtenir le même son sur ordi ?
Cela détermine ma
journée. Je pourrais aussi passer la journée avec une souris derrière un écran,
j’aurais fait de la musique mais j’aurais passé ma journée sur un ordi. Moi, je
fais de la musique mais je passe ma journée à tourner des boutons et à activer
des « fat boost », et je trouve que c’est plus cool.
C’est le côté ludique qui a déterminé ce choix
alors ?
Il y a deux aspects. D’abord l’aspect ludique et puis, un matériel
choisi pour moi. Ce matériel détermine les limites au-delà desquelles je ne
peux pas créer. Un ordi est sans limite au niveau des possibilités de création
et ça me fait peur.
La peur du vide ?
Exactement. Je ne peux
pas de travailler face à l’infini des possibles. Je me perds alors dans des
milliards d’expérimentations qui ne mènent à rien. Je choisis un instrument,
une boîte à rythme avec des sons. Les sons présents ne sont pas déclinables
comme sur un ordi.
« je suis un employé
de bureau de la musique »
Le graphisme surprise de cette anthologie composée
de 5 cds ou 6 vinyles est très beau, qui l’a réalisé ?
C’est moi. J’en suis
hyper fier. J’avais l’idée de prendre une typo avec des lettres qui se touchent
pour avoir des contre formes de couleur. Je l’ai d’abord conçu avec une typo
moche et en travaillant avec H5, nous sommes arrivés à cette typo. Les lettres
ont été retravaillées pour que leurs pentes soient harmonieuses et en effet,
toutes les lettres n’ont que deux pentes. Sous la découpe des lettres, il y a
des sous-pochettes de couleur. J’ai eu l’idée de jouer sur le graphisme : quand
on sort une sous-pochette pochette, le visuel est crade. Le coffret est très
classe, très bcbg et à l’intérieur, c’est l’inverse avec un aspect très « chantier ».
Autant, je n’imagine pas faire de la musique sur un laptop, autant pour le
graphisme j’aime travailler sur photoshop et illustrator. Pendant mes voyages,
je conçois mes pochettes de disque.
Comment a été conçue l’anthologie ?
L’idée part des inédits.
Je voulais sortir les morceaux que je crée depuis des années. Je travaille
beaucoup. Tous les jours, je viens au studio de 9h du matin à 5h du soir.
A l’instar des membres de Kraftwerk qui se définissent
comme des ouvriers de la musique ?
Oui, ils travaillent tout
le temps. Moi, je suis un employé de bureau de la musique alors. Je viens au
studio tous les jours et j’aime ça.
Ce n’est pas trop contraignant pour activer la
création et laisser libre cours aux idées ou à des inspirations ?
Je ne crois pas en l’art.
Je viens au travail, je fais des sons qui vont m’inspirer autre chose. Je m’amuse.
Chez moi, l’inspiration ne vient qu’en travaillant. J’ai du mal à me considérer
comme un artiste, je me sens plus comme Kraftwerk, un artisan.
« lorsqu’il y a une
belle pochette, il n’y a pas un mauvais disque dedans »
Oui enfin pour moi ce sont des Dieux…
(rires). J’ai ressenti
chez Ralph une grande humilité. C’est le travail que e groupe produit qu’il
considère important. Lui ne se considère pas comme quelqu’un d’important.
Vous soignez aussi bien les morceaux que le design
des pochettes, votre scénographie… être un artiste, c’est concevoir un produit
culturel dans sa globalité ?
Je viens d’une famille de
graphistes. Chez nous le graphisme a toujours tenu une place importante. Notamment
parce que mon grand-frère a toujours beaucoup dessiné… J’essaie de proposer un
graphisme intéressant. Pour moi la musique est terriblement graphique. Ma
propre expérience a été autant visuelle que musicale. Les premiers disques que
j’ai achetés, c’était guidé par les pochettes et j’ai découvert ainsi plein de
musiques. Je le fais encore. Souvent, lorsqu’il y a une belle pochette, il n’y
a pas un mauvais disque dedans. En plus aujourd’hui, il y a une sensibilité
marketing chez les artistes, auparavant, les artistes laissaient les équipes
marketing agir dans leur coin. Ca peut aussi faire beaucoup de dégâts.
1992, l’un des titres inédits de l’anthologie est
vraiment coloré années 90, pourquoi ne pas l’avoir sorti à ce moment-là ?
A l’époque, ce qui
passait c’était encore de la techno lourde. 1992 n’étais pas sortable en 1992,
il aurait dû sortir éventuellement en 1994.
La techno originelle n’est-elle pas réservée à une
élite ?
Ca ne me dérange pas de
créer une musique pour les connaisseurs et les gens qui font l’effort de s’y
intéresser. Ca ne me dérange pas de m’adresser à un nombre plus restreint de
personnes.
A l’instar de l’art conceptuel ?
Oui à la fois il y a des
gens qui cartonnent dans l’art conceptuel. Là réside la magie, il n’y a pas de
loi.
Comment envisages-tu les 20 prochaines années ?
Je dois produire plein de
bonne musique pour refaire un coffret d’ici vingt ans !
J’ai parcouru les 20
dernières années sans savoir où j’allais, je pense continuer sur la même voie.
Sortie de My Contribution To The Global Warming : le 23 avril.
DJ set au Silencio : 30 avril.
Live à L'Olympia : 13 octobre.
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