Fiction, O. Lavergne. |
L'occasion de m'entretenir avec elle et de vous la faire découvrir.
Peut-on dire que
tes photos sont des tableaux photographiques ?
Dans les tableaux
photographiques, le médium photographique renoue avec la tradition de la
peinture. L'idée n'est pas d'imiter la peinture mais de créer un lien avec elle
en y engageant un sens. Dans certaines de mes photographies en grand format, j'ai composé de la
même façon qu'un peintre composerait une toile.
Te sens-tu proche d’artistes peintres comme le Douanier Rousseau ou d’autres ?
Nos démarches résonnent dans le sens où nous recréons tous deux de
l'imaginaire et que nous avons sans conteste des sujets de prédilection communs.
Pour moi, les
toiles du Douanier ont un aspect très contemporain!
D’où te viens
cette passion pour la nature et pour la photo ? Qu’est-ce qui t’a poussé à
en faire l’objet de tes recherches en photo ?
Cette passion pour l'image et pour la notion de nature me vient de l'enfance.
C'est en une manière de renouer avec mes racines profondes. Il y
a quelque chose d'instinctif dans ma démarche, je ne cherche pas à tout
interpréter, c'est plutôt de l'ordre de l'intuition, de la perception et de
l'exploration.
Comment règles-tu
le paradoxe entre mise en scène et nature ?
À l'heure de la mondialisation et de la transformation incessante du
territoire, peut-on encore parler de nature ? Je préfère parler de paysage en
tant qu'il
implique un processus de transformation. Dans le paysage, nature et société
sont en constante interaction. Je
vois le paysage comme un espace scénique, dans lequel je mets en situation un
personnage ou la végétation d'un territoire. Ce
qui m'intéresse c'est la représentation de l'événement qui se joue à
l'intérieur du cadre de mes photographies. D'ailleurs, il y a toujours un
concept de scénographie appliqué à l'image, ce qui me permet d'amplifier le
caractère artificiel du projet et créer un rapport avec le spectacle. Il y a
aussi l'idée d'une performance quand je réalise l'image.
Comment crées-tu
de l’intime au milieu de la végétation proliférante et quasi oppressante ?
Je ne cherche pas à créer de l'intime au milieu de la végétation. L'idée serait plutôt
qu'en tant qu'artiste, je raconte une part de moi dans les images, je me
dévoile plus ou moins et révèle une partie de mes propriétés.
Est-ce que ces
paysages t’inspirent de la crainte, du réconfort ou d’autres sentiments ?
Dans le choix de ces paysages, il est question de ce que Walter
Benjamin appelait "le lieu du crime". Certaines de mes images inquiètent celui qui les regarde; pour les saisir, le
spectateur devine qu’il lui faut chercher un chemin d’accès. Il est
possible de faire une image qui contienne à la fois ce qu'elle montre et ce
qu'elle dissimule !
Petit à petit tu
incorpores l’empreinte humaine dans ton travail photographique, soit en t’y
incluant, soit en saisissant les traces du passage de l’Homme via des vestiges,
qu’est-ce qui motive ce passage de la nature nue à la nature
« habitée » ou plutôt « traversée » ?
Le personnage est une présence qui passe dans l'image, qui la traverse. Le
personnage d'Olivia L. n'est autre que la photographe qui joue ici à traverser
sa propre fiction.
Comment se passe
une prise de vue, est-ce que tu réfléchis à l’avance à une mise en scène,
est-ce que c’est un cadre qui lui fait prendre forme au contraire ?
Combien de temps cela te prend-il, est-ce de l’instantané ou y a-t-il un temps
conséquent de réflexion et de préparation ?
J'imagine en amont
une scénographie appliquée à l'image mais c'est sur place que tout se joue. C'est
l'acte ici et maintenant qui compte, au sents d'acte de résistance. Quand je
réalise les images, je me sents toujours dans l'urgence et de
surcroit s'y ajoute quelque chose de plus urgent encore, comme dans
l'Idiot de Dostoïevski ou dans Les 7 Samouraïs de Kurosawa !
Il y a une
dimension métaphysique dans tes images, si tu devais la transcrire avec des
mots, toi qui es diplômée en lettres, qu’en dirais-tu ?
Qu'entends-tu par métaphysique ? Que mes photographies révèlent
l'essence de la Nature, autrement dit la nature de la Nature ? Par une mise en
lumière artificielle, j'en révèle certains aspects de sa forme et en dégage son
essence. Je mets en lumière ses traits et en ce sens je donne à voir son
caractère fondamental et essentiel. Enfin, je tente d'harmoniser paysage naturel et
paysage culturel afin de redonner à l'environnement son essence d'oeuvre d'art.
Fictions
Olivia Lavergne
Olivia Lavergne
Jusqu'au 27 novembre
Galerie
Insula
24 rue des Grands Augustins
75006 PARIS
24 rue des Grands Augustins
75006 PARIS
Fictions chez ARTE
En parallèle, l'exposition se poursuit dans le hall d'accueil d'ARTE
France jusqu’au 25 novembre : 8, rue Marceau 92130 Issy-les-Moulineaux
M° Mairie d'Issy Ligne 12
Commentaires
Enregistrer un commentaire